La fille d'Anubis by Surget Alain

La fille d'Anubis by Surget Alain

Auteur:Surget, Alain [Surget, Alain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse


9

SOLEIL BLANC

Après s’être ravitaillé auprès de la colonie égyptienne de Sesebi, le navire poursuivit en direction de la troisième cataracte. Le Nil avait élargi sa vallée, et de nombreux villages nubiens frangeaient ses deux rives. Debout sur des rochers, des enfants s’amusaient à sauter dans l’eau. Des hommes et des femmes vêtus d’un pagne de peau lançaient des « Yeho ! » et faisaient de grands gestes pour attirer les marins à terre afin de leur proposer des œufs d’autruche et des bébés panthères. Tirya et Hermès répondirent à leurs acclamations, mais Ouadjenet se garda d’approcher des localités. L’assassinat de ses soldats l’avait mis en rage, et il voyait un traître dans chaque habitant. Le désert reprenait ses droits au-delà des bosquets d’acacias qui abritaient les villages. C’était une vaste ondulation de dunes à l’ouest, précédée par une courte plaine semblable à une écorce de crocodile, avec des arêtes parallèles nées de l’accumulation de tous petits cailloux sous l’action répétée du vent. À l’est, les falaises limitaient la vallée, étirées en une longue échine dorsale. Le bateau dépassa les rochers de Sabou couverts de milliers de gravures rupestres, puis le pic de Naouri avant d’affronter la troisième cataracte.

Une grande île apparut au détour d’un méandre. Les flots se battaient autour, se déchirant en puissantes gerbes d’écume.

— Nous devrions pouvoir remonter ces rapides, déclara le capitaine. À vos perches !

— C’est étrange, observa Saou, le lit n’est pas aussi encombré d’habitude.

Les marins retirèrent les rames pour éviter qu’elles ne se fracassent sur les écueils. Le navire tournoya, mais les efforts des hommes arc-boutés sur leurs perches le replacèrent face au courant. L’eau mugissait de fureur en dévalant du plateau. Le bateau réussit à atteindre l’extrémité de l’île quand, débouchant d’un coude à angle droit, il se trouva devant un empilement de blocs qui barrait le fleuve sur presque toute sa largeur. Les flots bondissaient pardessus et s’écrasaient plus bas en une suite de cascades enfumées d’embruns.

— Je ne comprends pas, s’inquiéta Saou. La violence des eaux ne suffit pas à expliquer pareille masse de rocailles.

Le capitaine prit la décision d’aborder. Rames et perches furent maniées avec vigueur pour amener le navire contre la berge.

— Il y a une glissière comme à Mirgissa32, indiqua-t-il. Nous allons l’emprunter.

Sitôt à terre, tous s’armèrent de cordes et se mirent à hisser le bateau sur la rive. Les marins remplirent ensuite des paniers et des sacs de boue humide dont ils enduisirent les traverses qui composaient la piste. Celle-ci décrivait une boucle dans le désert, permettant ainsi de contourner la cataracte. Tirya marchait à côté d’Hermès et de l’officier. Derrière eux, tracté par l’équipage et les soldats, le navire glissait aisément sur les poutres.

Soudain le sable s’agita autour d’eux.

Des cris de guerre ! Des hurlements de bêtes ! Des Nubiens jaillirent des trous dans lesquels ils s’étaient embusqués. Les marins paniquèrent. Ils lâchèrent les cordes et s’enfuirent. Sur un ordre d’Ouadjenet, les soldats établirent une défense devant Tirya. Le harpê au poing, ils fendirent l’air à grands renforts de moulinets pour tenir l’ennemi à distance.



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